Les analyses de laboratoire peuvent fournir des informations clés lors d’une infection par le SARS-CoV-2. Lors du webinaire du 2 juillet dernier organisé par bioMérieux, le Pr Pierre Hausfater, chef de Service d’Accueil des Urgences de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP), a partagé son expérience au sujet de l’utilisation de certains biomarqueurs. Il a notamment évoqué les D-dimères, les biomarqueurs cardiaques, inflammatoires et infectieux, dans la gestion des patients atteints de COVID-19 et dans le suivi de leurs complications potentielles.

« L’épidémie de COVID-19 est loin d’être finie. En particulier aux États-Unis et en Amérique du Sud ».

Pr Hausfater

Plus de 10 millions de cas d’infection de SARS-CoV-2 sont actuellement confirmés à travers le monde, selon le tableau de bord de l’Université Johns Hopkins, qui répertorie, en temps réel, tous les cas confirmés et suspectés à travers la planète.

Réorganisation du service des urgences face à l’épidémie de COVID-19

À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, lors du pic de l’épidémie, le 29 mars, les admissions de patients ‘classiques’ se sont dramatiquement effondrées, alors que le nombre de patients atteints de la COVID-19 s’est envolé, représentant presque un patient sur deux.

Pr Hausfater - services d'urgence

« Nous avons dû mettre en place un centre de triage entre les patients, afin d’éviter la contamination du personnel hospitalier et des autres patients non-COVID, et surtout d’éviter tout engorgement des urgences ».

Pr Hausfater

Pour ce triage, des outils diagnostiques ont été testés. Les signes cliniques – fièvre, maux de tête, faiblesse, et parfois diarrhée – se sont révélés utiles, mais non spécifiques, car très semblables aux symptômes grippaux. Seules, l’anosmie et l’agueusie étaient typiques de l’infection au SARS-CoV-2 avec des valeurs prédictives positives avoisinant les 100 %. L’oxymétrie de pouls n’a pas été utile pour le diagnostic, mais a permis une stratification du risque des patients positifs au COVID-19 (pour une oxymétrie inférieure à 95 %).

L’imagerie, et notamment la tomodensitométrie thoracique (CT-scan), a révélé des opacités bilatérales typiques en verre dépoli chez les patients infectés. Elle est restée le test de référence pendant la forte prévalence de la maladie, avec une excellente valeur prédictive positive.

Les analyses de laboratoires ont, quant à elles, véritablement permis de diagnostiquer les patients atteints de COVID-19 avec la RT-PCR à partir d’échantillons nasopharyngés. Mais d’autres examens biologiques ont présenté aussi un intérêt. Les tests de routine ont permis d’observer une légère baisse du nombre de globules blancs (neutrophiles, lymphocytes) et des plaquettes sanguines chez ces patients (1) et (2).

Des biomarqueurs facilitant la gestion des patients

« Aux urgences de la Pitié-Salpêtrière, face à une infection des voies respiratoires inférieures, deux décisions médicales importantes étaient à prendre : (1) donner ou non un traitement antibiotique, (2) hospitaliser le patient ou le gérer en consultation externe ». La CRP demeure peu informative. Elle est élevée chez la plupart des patients avec une maladie infectieuse et ne donne pas d’information sur la sévérité de la maladie, ni sur son origine bactérienne ou virale.

A l’inverse, la procalcitonine (PCT), biomarqueur de sepsis et des infections bactériennes systémiques, a contribué à renseigner le dossier du patient car elle présente une concentration faible en cas d’infection virale (3). Elle s’est aussi montrée utile dans la gestion des antibiotiques. Au-dessus du seuil de 0,25 µg/L, elle témoignait d’une co-infection en plus de l’infection à SARS-CoV-2, nécessitant la prise d’antibiotiques. Augmentant fortement avec la sévérité de la maladie (4), la PCT permettrait aussi de déterminer l’aggravation de l’état de santé des patients. Elle a d’ailleurs été utilisée pour prédire le pronostic des patients positifs à la COVID-19 (5).

Par ailleurs, plusieurs séries d’autopsies (6) et (7) ont permis d’observer des thromboses et des microangiopathies dans les poumons des personnes décédées de la COVID-19. S’interrogeant sur la cause réelle des décès (embolies pulmonaires plutôt qu’infection virale elle-même), le Pr Hausfater s’est donc penché sur d’autres biomarqueurs cardiaques de stratification du risque pendant l’épidémie, tels que les D-Dimères et la troponine. Grâce au CT-scan avec un contraste amélioré, il a pu observer les premiers signes d’embolie pulmonaire chez certains patients. Ainsi, aux urgences de la Pitié-Salpêtrière, il a été décidé de traiter l’ensemble des patients COVID-19 avec de faibles doses d’héparine, un traitement anticoagulant qui semblerait réduire le taux de mortalité à 28 jours (8).

Si la RT-PCR reste le test de référence pour trier les patients positifs et négatifs à la COVID-19, d’autres biomarqueurs, comme la PCT, ont pu montrer leur intérêt dans l’évaluation de la gravité de la maladie. Le Pr Hausfater recommande de vérifier la présence d’événements thromboemboliques, notamment si les D-Dimères sont positifs, de ne pas délivrer d’antibiotiques en-dessous du seuil de 0,25 µg/L de PCT et de privilégier les tests de diagnostic rapides sur les lieux de soins qui permettent d’évaluer plus rapidement la situation du patient.


Hôpitaux de Paris

Références

  1. Routine blood tests as a potential diagnostic tool for Covid-19 – Davide Ferrari 
  2. Hospitalization and mortality among black and white patients with Covid-19 – G. Eboni
  3. Procalcitonine for clinical decisions on influenza-like illness in emergency department during influenza at H1N1 2009 pandemic – P. Canavaggio 
  4. Risk factors for disease progression in patients with mild to moderate Covid-19 – a multicenter observational study – Y. Cen
  5. Identification and validation of a novel clinical signature to predict the prognosis in confirmed Covid-19 patients – Bo Zhang
  6. Pulmonary and cardiac pathology in African American patients with Covid-19 : an autopsy series from New Orleans. 
  7. Pulmonary arterial thrombosis in Covid-19 with fatal-outcome : results from a prospective, single center, clinicopathologic case series.
  8. Anticoagulant treatment is associated with decreased mortality in severe coronavirus disease 2019 patients with coagulopathy – Ning Tang 

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