Identifier un pathogène chez un patient permet d’adapter le traitement antifongique. Il est alors indispensable que les microbiologistes disposent de méthodes d’identification fiables et rapides. Les méthodes microscopiques basées sur la phénotypie/morphologie des champignons en cultures qui sont aujourd’hui utilisées par les mycologues sont fiables, dans la limite de l’expérience du biologiste, mais se limitent parfois à la section voir au genre. Il est à noter que pour certains genres, différentes espèces dites cryptiques (non reconnaissable microscopiquement) peuvent avoir des profils de sensibilité différents aux antifongiques.

Les bactériologistes utilisent depuis maintenant 10 ans une méthode très rapide pour identifier les bactéries : la spectrométrie de masse MALDI-ToF (Matrix Assisted Laser Desorption Ionization Time of Flight). Cette méthode, rapide et peu onéreuse, a fait ses preuves dans le domaine de la bactériologie, dépassant les anciennes méthodes biochimiques d’identification.

Depuis lors, les mycologues ont implanté cette méthodologie pour permettre l’identification rapide des principaux pathogènes fongiques. Du fait de leur moindre complexité morphologique, cela a pu se faire assez rapidement pour les levures, qui sont aujourd’hui identifiées quasi exclusivement par spectrométrie de masse.

Mais les champignons filamenteux posent problème ; leur paroi plus épaisse requiert de passer par une étape d’extraction et leur profil protéique varie significativement au cours de la croissance fongique, rendant plus fastidieux l’établissement d’un spectre de référence pour chaque espèce .

Plus compliqué donc que pour les levures, mais pas impossible ! En effet, plusieurs systèmes permettent aujourd’hui l’identification des champignons filamenteux par spectrométrie de masse. Quelle méthode serait alors à privilégier pour les laboratoires de mycologie clinique ? Nous avons voulu répondre à cette question en comparant 3 spectromètres et 5 bases de données pour un panel de champignons pathogènes le plus divers possible.

Ainsi nous avons sélectionné 167 souches cliniques représentant 33 genres et 96 espèces différentes dans notre collection de souche. Pour l’analyse, nous les avons regroupées en 3 types : levures rares, Aspergillus spp. et champignons filamenteux non-Aspergillus.

Pour les champignons filamenteux (Aspergillus et non-Aspergillus), nous avons réalisé une extraction protéique complète en suivant le protocole proposé par Cassagne et al en 2011. Pour chaque souche, le même extrait protéique a été déposé sur 3 cibles, une par spectromètre : VITEK MS, VITEK MS Prime (bioMérieux) et Microflex (Bruker). Pour les levures rares, nous avons réalisé un dépôt direct sur les cibles bioMérieux et une extraction protéique complète pour la cible Bruker.

Les spectres acquis ont ensuite été analysés par les bases de données commerciales associées à chaque spectromètre : Knowledge Base 3.2, KB3.3 et SARAMIS4.17 pour les automates bioMérieux et Fungi V5 pour Microflex. Puis nous avons extrait les informations spectrales afin de les ré-analyser sur MSI2, base de données non-commerciale disponible en ligne.

Cette étude nous a permis de faire plusieurs constats.

Tout d’abord, concernant les spectromètres de masse.

Les performances que nous avons obtenues avec VITEK MS et VITEK MS Prime étaient similaires en termes de taux d’identification correcte au genre et à l’espèce. En revanche, le taux de « Bad spectrum » (id. la qualité spectrale étant trop faible, le spectre n’est pas retenu pour comparaison avec la base de données) était plus important avec VITEK MS Prime qu’avec VITEK MS (15% vs 3%). Si une utilisation quotidienne du VITEK MS Prime pour l’identification des champignons filamenteux est envisagée, une attention particulière doit être portée à l’extraction protéique, l’automate étant plus sensible à la qualité de l’extrait, ainsi qu’à une maintenance régulière du laser (intensité optimale).

La base MSI2 semble pouvoir analyser aussi bien les spectres bioMérieux que Bruker. Pour les laboratoires utilisant MSI2, le choix du spectromètre n’est donc pas limitant.

Ensuite, concernant les bases de données.

L’incrémentation de nouvelles espèces dans la base KB3.3 versus la KB3.2 s’est traduit dans notre étude par un gain significatif d’identification à l’espèce pour les filamenteux non-Aspergillus. L’utilisation en deuxième intention de la base RUO SARAMIS 4.17 ne permet pas d’augmenter de façon significative les performances obtenues avec les bases IVD.

Il semble que KB3.3 fasse mieux pour l’identification des Aspergillus et des non-Aspergillus que la base Bruker que nous avons utilisée. Il faut noter que nous utilisions une base RUO associée à un système d’acquisition « par défaut » sur notre Microflex et non du système optimisé pour les champignons filamenteux associé à une base IVD mise à jour. Cette utilisation non optimale du système Bruker a probablement contribué à limiter les performances obtenues.

Concernant les levures rares, la méthode par dépôt direct pour le système bioMérieux permet d’obtenir les meilleurs résultats à l’espèce. On atteint les mêmes types de résultats avec l’instrument Microflex, à condition de réaliser une extraction complète permettant une ré-analyse par MSI2. En effet, l’analyse par MSI2 de spectres acquis à partir de dépôt direct n’est pas optimale pour les levures rares.

Pour les champignons filamenteux (Aspergillus et non-Aspergillus), c’est MSI2 qui permet d’obtenir les meilleurs résultats d’identification à l’espèce. Pour cause, il s’agit de la base de données la plus complète vis-à-vis du panel d’espèce que nous avons utilisé.

L’exhaustivité de nos espèces sélectionnées est représentée à 92% dans la base MSI2, contre seulement 59% dans Fungi V5, 58% dans KB3.3 et 53% dans KB3.2.

Pour répondre à notre question initiale du choix du meilleur couple instrument / base de données pour l’identification des champignons par MALDI-ToF, il convient de noter en premier lieu que c’est la base de données qui importe plus que l’instrument.

  • Pour les levures rares, avec un automate bioMérieux, le dépôt direct sur la cible permet une identification optimale grâce aux bases IVD.

  • Pour les laboratoires équipés d’un spectromètre Microflex, nous recommandons de réaliser une extraction complète afin d’utiliser MSI2 pour l’identification.

  • Pour les champignons filamenteux, il est nécessaire de réaliser une extraction complète afin de pouvoir utiliser MSI2 pour l’identification, quel que soit le spectromètre de masse utilisé.

Retrouvez-nous au symposium des BioMed-J 2024 le jeudi 23 mai de 14h50 à 15h15 en salle 351 !

Articles complémentaires

Vers des améliorations du diagnostic et du traitement des infections fongiques invasives

Lire

Site de Microbiologie : découvrez Dr Microbe !

Lire