Le CHU de Limoges a décidé de s’équiper du test syndromique Biofire® FilmArray® Respiratory 2 plus (RP2plus) Panel afin de fluidifier les passages aux urgences pendant les épidémies de grippe saisonnière.

Le temps de rendu des résultats aux cliniciens est ainsi passé de plus de 20h avant l’implantation à un peu plus de 2h. Retour sur une expérimentation extrêmement satisfaisante pour les cliniciens, lors de la RICAI 2019.

« L’évolution médicale en France entraîne un afflux de personnes aux urgences lors des épidémies de grippe. Avec un temps de passage long aux urgences, le risque de contamination croisée est important ».

Le Professeur Sylvie Rogez, service de virologie du CHU de Limoges, RICAI.

Cet engorgement aux urgences a conduit la direction de l’établissement à lancer en 2017 une réflexion institutionnelle sur la manière de fluidifier les passages aux urgences.

« A la suite de propositions amenées par un sous-groupe de la commission médicale d’établissement, il a été décidé d’utiliser un test moléculaire rapide 24h/24 pendant toute la durée de l’épidémie, afin d’aider les cliniciens à orienter leurs patients le plus rapidement possible ».

Pr. Sylvie Rogez

L’hôpital utilisait précédemment un test moléculaire recherchant plusieurs pathogènes respiratoires, d’une durée d’analyse de 5 à 6h, réalisé une fois par jour en semaine en regroupant les prélèvements du jour, et un test moléculaire plus rapide, ciblé sur les grippes A et B et le VRS, réalisé en cas d’urgence uniquement et sur avis du biologiste. Au début de l’épidémie 2017-2018, le Biofire® FilmArray® Respirator y (RP) Panel de bioMérieux a été mis en place, puis remplacé au cours de l’épidémie suivante par la dernière génération BioFire RP2plus Panel. Ce dernier détecte 22 pathogènes : 18 virus, comprenant le typage de la grippe A, et 4 bactéries sur prélèvement nasopharyngé collecté en milieu de transport UTM, en un temps réduit de 45 minutes, contre 65 minutes pour la version précédente BioFire RP Panel. Il utilise la technologie de PCR multiplexe nichée.

Une nouvelle organisation du laboratoire plébiscitée par les cliniciens

Le CHU de Limoges a au départ décidé d’installer le système Biofire® FilmArray® Torch avec 2 modules au laboratoire de virologie, pour une prise en charge des prélèvements entre 8h et 20h en semaine et le samedi, ainsi qu’un module Biofire® FilmArray® 2.0 dans la pièce du laboratoire dévolue au diagnostics urgents, pour assurer une continuité de la prise en charge entre 20h et 8h en semaine et de 20h le samedi à 8h le lundi. Le nouveau fonctionnement a nécessité un renfort technicien en semaine dû à une augmentation des amplitudes horaires, une participation de l’ensemble des techniciens et des biologistes du laboratoire de bactériologie-virologie, ainsi qu’un couplage aux astreintes pour greffe d’organes en week-end.

« En suivant l’évolution de la prise en charge au cours des 3 dernières épidémies, on constate une augmentation importante du nombre d’échantillons, dès la mise en place du test moléculaire rapide en 2017-2018, avec plus de 1000 échantillons cette année-là contre un peu plus de 500 l’année précédente »

Pr. Sylvie Rogez
Pr. Sylvie Rogez, RICAI 2019

Pour l’épidémie 2018-2019, l’établissement a même décidé de faire évoluer la configuration du Biofire® FilmArray® Torch au laboratoire de virologie avec l’ajout de deux modules supplémentaires. En parallèle, un pneumatique pour l’acheminement des prélèvements a été installé à l’hôpital. Ces changements ont permis de traiter plus de 1 600 échantillons pendant l’épidémie 2018-2019. Le nombre de cas confirmés positifs pour la grippe a donc fortement augmenté, à près de 120 par semaine au pic de l’épidémie, contre 30 en 2016-2017 avant la mise en place de cette stratégie, avec un taux de positivité global sur tous les pathogènes stable de 60 % environ sur les échantillons testés.

Un délai de rendu des résultats drastiquement diminué

Un calcul des délais moyens de rendu des résultats, entre l’heure de prélèvement et la confirmation du résultat a montré une baisse très significative de ceux-ci, de 23h20 aux urgences en 2016-2017 à 2h17 pendant l’épidémie 2018-2019.

« Ces délais sont comparables à ceux observés dans la littérature pour cette technique »

Pr. Sylvie Rogez

Conséquence de cette amélioration substantielle du délai de rendu, la spécialiste a pu constater sur 100 dossiers examinés une hospitalisation éclairée des patients en chambre à lits multiples et un fléchage plus rapide vers le service adapté. Une analyse est en cours pour évaluer le point essentiel c’est-à-dire la diminution du temps de passage aux urgences. La mise en œuvre de cette procédure pourrait en outre faire diminuer les coûts liés aux traitements antibiotiques, notamment en pédiatrie, aux examens complémentaires, aux taux et durées d’hospitalisation. 1,2

« Pour calculer l’impact sur la durée d’hospitalisation, une étude médico-économique est en cours dans notre établissement. »

Pr. Sylvie Rogez

La durée d’hospitalisation est multifactorielle, dépendant de l’âge du patient, des comorbidités, du milieu social et de sa possibilité de retour à domicile, représentant un challenge pour cette analyse. La grippe était le moteur de travail pour ce projet. Néanmoins le rendu de résultats plus rapide pour d’autres agents pathogènes (virus, bactéries atypiques) a permis de sensibiliser les urgentistes aux autres infections, leur fréquence, les signes cliniques associés et d’arrêter plus fréquemment l’antibiothérapie dans le cas d’une virose.

« De plus, grâce à cette nouvelle organisation, nous avons constaté plus d’échanges entre cliniciens – biologistes –hygiénistes. Sur le plan biologique, nous avons observé une grande facilité d’emploi de la technique, et d’habilitation du personnel, un temps technicien très court (2 min), mais il faut surtout insister sur la satisfaction élevée des cliniciens »

Pr. Sylvie Rogez

« Nous allons bien entendu reconduire ce protocole pour la prochaine épidémie ».

Pr. Sylvie Rogez

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  1. Brendish NJ et al., Lancet Respir Med 2017
  2. Lee BR et al., J Clin Virol 2019

Article publié dans Biologiste infos n°103, Décembre 2019-Janvier 2020

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