Biologie hospitalière

bioMérieux : la traque des bactéries hautement résistantes aux antibiotiques

Selon une étude britannique, d’ici 2050, l’antibiorésistance sera la première cause de mortalité au monde, devant le cancer, le diabète sucré ou les maladies diarrhéiques. Elle causera alors 10 millions de morts par an (rapport de Jim O’Neill sur l’antibiorésistance). C’est un enjeu majeur de santé publique auquel les établissements de santé sont plus que sensibilisés. L’arrivée des séquenceurs à haut débit permet le développement d’outils technologiques de pointe dans ce domaine. Illustration avec la solution de bioMérieux, EPISEQ® CS, qui aide à traquer et prévenir la survenue d’épidémies dans les hôpitaux.

Les BHRe, un fléau à venir

En France, près d’un patient sur 6 est traité par antibiotique. Dans le même temps, 5% d’entre eux souffrent d’une maladie nosocomiale[1]. Deux causes ont engendré la montée de la résistance bactérienne : l’utilisation excessive des antibiotiques et le manque de contrôle des épidémies. Le risque selon l’OMS ? C’est la possibilité de devoir revenir à la période qui a précédé les antibiotiques par défaut de solutions pour traiter les bactéries hautement résistantes. Permettre de surveiller ces Bactéries Hautement Résistantes émergentes (BHRe), y compris au niveau des gènes de résistance, analyser et contenir des épidémies, c’est ce à quoi s’est attelée l’entreprise bioMérieux avec sa solution EPISEQ® CS.

Le séquençage permet d’obtenir la totalité du génome des bactéries et de ses plasmides (molécule d’ADN non chromosomique). Ces nombreuses informations conduisent à l’identification précise de la souche étudiée : ses gènes de résistance, de virulence mais aussi ses caractéristiques propres. Ainsi, il est possible de comparer deux génomes et de déterminer leurs homologies et différences afin d’établir s’il s’agit du même organisme qui s’est propagé d’un patient à un autre ou bien s’ils ont été importés aux patients de manière non reliée. En cela, les solutions bioMérieux contribuent à lutter contre l’antibiorésistance, ce qui est « une réelle mission de santé publique ».

La nécessité d’un intermédiaire technologique

Pour cela, l’arrivée des séquenceurs nouvelle génération a été un grand pas et a considérablement ouvert les possibilités. « Pour pouvoir accéder à ces technologies, il faut des compétences qui n’existent pas forcément dans les établissements de santé », note Benjamin Moingeon, chef de produit EPISEQ®. « Les hôpitaux doivent pouvoir tracer la source, éviter la propagation et trouver le vecteur, le réservoir (une climatisation ou de l’eau stagnante par exemple). Nous sommes donc l’interface qui leur apporte l’outil tel qu’ils en ont besoin. » Avec son expertise dans le middleware et le traitement des données, l’entreprise a conçu une solution « faite par des microbiologistes, pour des microbiologistes ».

En termes de fonctionnalités, l’outil facilite grandement les recoupements entre les souches. Il fournit au microbiologiste un arbre phylogénétique qui permet de suivre et de retracer l’histoire des épidémies et des différentes souches. Car, en la matière, les mécanismes de communication entre les bactéries sont tout aussi importants que la résistance. Et côté résistance justement, le détail du résistome que fournit la solution « permet d’explorer encore plus loin des gènes de résistance qui ne sont pas forcément recherchés habituellement ».

Au final, les quatre piliers qui sont au cœur de l’activité de bioMérieux se retrouvent dans cet outil. « EPISEQ®CS permet d’améliorer le workflow des laboratoires », insiste Benjamin Moingeon. « Il contribue à la surveillance des épidémies et guide la thérapie (selon le fameux adage « Right drug, right time, the right dose »). En outre, il favorise le pilotage des performances en fournissant des indicateurs clés. » Il faut dire que le secteur est crucial. Au niveau économique, de nombreuses études démontrent des coûts importants liés aux maladies nosocomiales. « De 340 euros en moyenne pour une infection urinaire à 40.000 euros pour une bactériémie sévère en réanimation. En appliquant une fourchette de surcoût moyen de 3.500 à 8.000 euros par infection aux 750.000 infections nosocomiales annuelles, on atteint un montant de dépenses de 2,4 à 6 milliards d’euros ».

Avec un tel enjeu, nul doute que des outils comme EPISEQ® CS seront scrutés par les microbiologistes. Métagénomique, intégration au DPI, variété des données mobilisées (intégrer le parcours de soin du patient, celui des dispositifs médicaux également), les applications à venir sont variées. Des sujets qui devraient être à l’ordre du jour durant la semaine 18 au 24 novembre prochain. Il s’agit en effet de la semaine mondiale pour un bon usage des anti-microbiens. Les débats s’annoncent passionnants.

CHU de Nîmes : une veille constante sur les BHRe

BHRe : des mouvements rapides à scruter

Klebsiella pneumoniae productrices de carbapénémase NDM, Enterobacter cloacae producteurs d’OXA-48, Enterococcus faecium VanA… Pour les spécialistes, toutes ces bactéries sont de véritables bombes à retardement. Classées parmi les BHRe, elles peuvent être à l’origine d’épidémies dans les établissements de santé et sont donc au cœur des préoccupations.

Au CHU de Nîmes, plus de 200 échantillons sont analysés chaque jour en bactériologie. Labellisé « LBMR » en Juillet 2021, le laboratoire est le Laboratoire de Biologie Médicale de Référence de ces fameuses BHRe sur toute l’Occitanie. L’établissement reçoit donc pour analyse les souches des laboratoires privés, des centres hospitaliers régionaux et universitaires de la région Occitanie. Le Dr Alix Pantel, microbiologiste et responsable de l’UF d’hygiène microbiologique au CHU de Nîmes, le résume ainsi : « Les bactéries vont vite. Les clones émergent rapidement et on voit des espèces qui prennent le dessus. Nous devons à tout prix suivre au plus près ces mouvements intra- et inter-établissements. »

Voilà pourquoi, après l’acquisition d’un séquenceur nouvelle génération, il a très vite été question de se doter d’un outil capable d’analyser rapidement et largement les données. La solution EPISEQ® CS a ainsi pu être installée très facilement, sans avoir recours à un bio-informaticien. Une fois déployée, le gain en terme de performance est considérable.

« Auparavant, nous avions recours à l’électrophorèse en champ pulsé ou à des techniques basées sur la PCR, rappelle le Dr Alix Pantel. Ces techniques ne permettaient pas de standardiser la recherche et d’obtenir une investigation poussée. L’analyse par EPISEQ® CS s’intéresse au génome complet de la bactérie. C’est une méthode de typage ultimes qui permet de déterminer si deux souches sont reliées, suivre l’évolution des clones à haut risque et décrire précisément l’histoire des épidémies ».

Dr Alix Pantel

Un outil particulièrement fonctionnel

L’un des atouts de la solution, c’est sa simplicité d’utilisation. Le Dr Alix Pantel confirme : « l’interface a été très bien pensée et nous facilite grandement l’analyse. Pas besoin de formation particulière pour l’utiliser, n’importe quel microbiologiste du service peut s’en servir. »

Concrètement, l’ADN de la souche de BHRe étudiée est extrait et le séquençage de son génome est réalisé par le technicien de laboratoire à l’aide du séquenceur. Ensuite, le biologiste (ou l’hygiéniste) accède, depuis son bureau, à l’application EPISEQ® CS. Il charge les données du séquençage dans l’application et interprète les résultats. L’outil aide à la décision pour établir s’il existe une transmission entre patients d’un pathogène au sein de l’hôpital, afin d’éviter l’évolution de l’épidémie. Il permet également d’adapter les conditions d’hygiène si besoin. « Beaucoup plus précise, l’analyse du résistome ainsi obtenue nous permet d’affiner notre réponse. »

L’outil est également appliqué aux épidémies départementales et régionales en lien avec le CPIAS Occitanie.

De plus en plus sollicité, le service peut ainsi répondre plus sereinement aux demandes et limiter les risques. « Une fois le plus gros investissement réalisé, celui du séquenceur, l’acquisition d’EPISEQ® CS s’inscrit dans une continuité stratégique pour maximiser notre potentiel. » Un combo qui permet, en outre, de réduire les coûts liés aux infections associées aux soins. Un pari gagné pour le CHU de Nîmes.


[1] Santé Publique France – Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissements de santé – 2017.

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