clinicien

Dr Rémi Gebeile est biologiste, co gérant de la société Dynabio et responsable du site de la Croix Rousse à Lyon. Depuis deux ans, sa pratique intègre la délivrance d’antibiogrammes ciblés pour les infections urinaires. Un service dont il estime qu’il place le biologiste au cœur du système de soin. 


La réflexion qui a conduit Rémi Gebeile et son équipe à mettre en place les antibiogrammes ciblés pour les infections urinaires s’inscrit dans le temps. C’est d’abord l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2014, « qui a mis un focus sur l’antibiorésistance, notamment sur les infections urinaires, première cause de prescription d’antibiotiques chez l’Homme. » Car le sujet est intimement lié à celui de l’antibiorésistance. Donner la possibilité aux médecins de prescrire les antibiotiques les plus adaptés, par des résultats d’analyses précis et fiables, permet de limiter l’émergence des résistances bactériennes aux antibiotiques et de préserver l’efficacité de ces médicaments. 

En 2015, c’est au tour de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’émettre un avis et de demander de limiter l’usage des céphalosporines de troisième génération et des fluoroquinolones pour traiter les infections urinaires.  

Puis Rémi Gebeile se rend en 2018 à une réunion d’utilisateurs VITEK® organisée par bioMérieux. Il assiste à une présentation de Matthieu Bernier, directeur du laboratoire Labosud Garonne, qui explique la mise en place des antibiogrammes ciblés dans sa structure. 

Enfin, en 2019, la Société française de microbiologie (SFM), dont Rémi Gebeile est membre, pousse en faveur de l’antibiogramme ciblé en adaptant les résultats du test en fonction du genre et de l’âge du patient : homme, femme, enfant.

« Il s’agissait de limiter la présentation du rapport de l’analyse d’urine pour mettre en évidence, en fonction de la résistance aux antibiotiques, le traitement le plus adapté »

précise Rémi Gebeile.

Quelles sont les difficultés à surmonter de l’antibiogramme ciblé ?

Les recommandations de la SFM présentent toutefois certains inconvénients. « Ces antibiogrammes ciblés impliquent d’avoir des données concernant le patient, notamment son âge et son genre, ce qui n’est pas toujours facile, souligne-t-il. Par ailleurs, nous travaillons aussi avec la polyclinique Lyon-Nord à Rillieux-la-Pape et nous analysons parfois les échantillons de patients poly-infectés. Les médecins peuvent vouloir un traitement antibiotique qui couvre deux infections ». Mais comment savoir à quel antibiotique recourir sans avoir accès au contexte clinique ? Ce serait prendre le risque de recommander un antibiotique pour l’infection urinaire, puis de devoir reprendre le résultat d’analyse à la demande du médecin prescripteur pour trouver le traitement capable de soigner plusieurs infections. 

 
Dernière difficulté : le laboratoire lyonnais ne dispose pas de middleware* permettant de mettre en cohérence les rapports d’antibiogramme de VITEK® 2 avec les données patients hébergées dans le système d’information du laboratoire (SIL).

« Choisir un seul antibiotique revient à supprimer tous les autres, pas uniquement à les masquer, explique-t-il. Cela fausserait également tous mes résultats lorsque je réalise une étude épidémiologique »

explique Rémi Gebeile.

Une approche originale pour un diagnostic ciblé et adapté

Décidé néanmoins à mettre en place l’antibiogramme ciblé pour les infections urinaires, Rémi Gebeile choisit une approche originale. Au lieu de prendre le risque de supprimer des antibiotiques dans son compte-rendu d’antibiogramme, il opte pour une présentation « qui met en évidence les antibiotiques recommandés, et ceux qui ne le sont pas, détaille-t-il. Avec mon SIL, si le patient est un homme par exemple, je sors un rapport qui permet au médecin, en un coup d’œil, de savoir quel antibiotique est adapté. » Le compte-rendu est adapté à quatre catégories de patients : hommes, femmes enceintes, femmes non enceintes, enfants. Il ajoute également les deux contextes cliniques de cystite et pyélonéphrite sur le document. 

Si le biologiste a pu y arriver et proposer ces antibiogrammes ciblés depuis avril 2019, cela lui a demandé un temps considérable et des compétences poussées en informatique. « Il faut des outils pour le faire plus simplement, estime-t-il. Cela permettrait de s’affranchir de la partie technique pour se recentrer sur le conseil. » 

« Il faut des outils pour le faire plus simplement. Cela permettrait de s’affranchir de la partie technique pour se recentrer sur le conseil »

estime Rémi Gebeile.

Un rapprochement entre biologistes et cliniciens 

Quelle réaction des prescripteurs des tests ? Le laboratoire a reçu quelques coups de fil de médecins surpris de ne pas voir apparaître le cefixime dans les comptes-rendus d’antibiogrammes de leurs patients masculins adultes, approche thérapeutique déconseillée pour cette population.  

« Nous avons pris le temps d’expliquer et nous n’avons plus eu d’appel pour cela, constate-t-il. J’ai la chance de travailler dans un laboratoire à taille humaine qui couvre cinq sites et la polyclinique Lyon-Nord Rillieux. Je connais les médecins de mon site et j’échange régulièrement avec eux. Ils sont contents qu’on les aide dans leur prise en charge, pour eux, ce n’est pas simple d’être à jour des recommandations. Cela a été bien accepté. »  

Pour preuve, dans l’enquête envoyée aux prescripteurs de la polyclinique, tous les retours sont positifs. Quant aux médecins de ville, les discussions avec le biologiste témoignent d’un même enthousiasme. « Pour eux c’est un argument supplémentaire pour justifier leur prescription auprès de leurs patients. » 

« Cela renforce le dialogue entre le médecin et son patient et aide à comprendre les risques de l’auto-médication »

Rémi Gebeile.

Rémi Gebeile va plus loin. Il estime qu’avec ce service, « on commence à placer le biologiste au cœur du métier, au cœur du système de soin. C’est une bonne idée d’essayer de le mettre en place, à petits pas, en masquant ou en mettant en valeur certains antibiotiques. Cela fait partie de notre métier de faciliter la lecture de l’antibiogramme et de limiter l’antibiorésistance. » 

Et demain ?

Pour l’instant, satisfait des antibiogrammes ciblés proposés pour les infections urinaires, Rémi Gebeile reconnaît qu’il ne peut pas aller plus loin sans middleware*. Il serait utile de disposer d’un antibiogramme plus explicite pour les bactéries de type cocci à Gram positif et de rajouter les résistances naturelles pour les staphylocoques et entérocoques.  

« Avec un logiciel de bioMérieux on pourrait traiter des échantillons autres que urinaires, souligne-t-il. Un middleware* pourrait masquer sans supprimer les antibiotiques et sortir directement des présentations personnalisées en fonction du contexte. Un middleware* d’une société de microbiologie, ce serait clairement un plus. C’est une discipline à part la microbiologie ! » 


(*) intergiciel permettant l’échange d’informations entre différentes applications informatiques

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