Il est un fait avéré que la résistance aux antibiotiques à large spectre est en progression constante. Afin d’éviter les prescriptions inadaptées, de plus en plus d’acteurs de la santé jugent important le fait de pouvoir limiter l’usage des antibiotiques critiques et d’optimiser l’antibiothérapie de première intention et à spectre réduit en général.

clinicien

L’antibiorésistance est un enjeu majeur de santé publique et identifié par l’OMS comme une menace sérieuse. Un des piliers pour lutter efficacement contre ces résistances consistent ‘à utiliser les antibiotiques à bon escients… ceux qu’il faut, quand il faut’. Santé publique France a mis en place la plateforme Géodes pour suivre l’évolution des indicateurs de l’antibiorésistance (1). 

Les sociétés savantes s’impliquent, comme la SFM (Société Française de Microbiologie) qui publie à travers son Comité de l’Antibiogramme des recommandations dont l’impact est considérable sur la façon de rapporter les antibiogrammes. Ces actions placent le biologiste (le diagnostic) au cœur de cette mission de santé publique. Le binôme biologiste – clinicien n’a jamais été aussi important pour un Bon Usage des Antibiotiques (2). Le couple Antibiotique – Bactérie devient déterminant pour préserver notre santé. 

Les antibiogrammes sont des examens de laboratoire qui testent la sensibilité et la résistance des bactéries face à un grand nombre d’antibiotiques (généralement de 10 à 30). Le degré de sensibilité est classé en trois catégories (sensible, résistant et intermédiaire). 

La mise en place de l’antibiogramme ciblé limitant volontairement la liste des antibiotiques les moins critiques et cependant actifs sur le germe identifié au laboratoire est une pratique qui tend à se répandre, car elle apporte une réponse aux problèmes causés par l’excès d’utilisation de ces médicaments. 

Les cliniciens manquant parfois de repères pour les guider dans leurs prescriptions, ce type de sélection devient une pratique précieuse susceptible de renforcer le bon usage des antibiotiques (BUA) tout en contribuant à la lutte contre l’antibiorésistance, grande menace pour la médecine moderne. 

Infections urinaires : principale cause de prescription d’antibiotiques

Environ 10 millions de prescriptions de ces médicaments ont été remboursées par la Sécurité Sociale en France en 2014. Pour l’année 2015, 15 % des prescriptions pour ces types de médicaments concernaient des infections urinaires. Ces dernières constituent la première cause de prescription, la grande majorité étant des infections à Escherichia coli.  

Ce constat a poussé le Comité de l’antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CA-SFM) à mettre sur pied un cahier des charges destiné aux laboratoires de biologie médicale afin qu’ils pratiquent de manière volontaire des antibiogrammes ciblés pour ces infections urinaires.  

Le Dr Mark Miller, Directeur des Affaires Médicales pour le laboratoire bioMérieux, tire la sonnette d’alarme sur le sujet : « Avec l’augmentation de la résistance aux antibiotiques, même les infections courantes telles que les infections urinaires pourraient devenir incurables. ».  

Le fait est que les « super-bactéries », résistantes y compris aux antibiotiques de dernier recours en milieu hospitalier, se sont développées suite à une consommation médicamenteuse jusque-là peu encadrée.  

Cela explique la volonté des instances de santé d’intervenir de manière significative, d’autant plus que l’impact au niveau des coûts est considérable, comme le souligne le Pr Céline Pulcini, Cheffe de projet national à l’antibiorésistance.  

C’est aussi pour cette raison que Santé Publique France planche sur plusieurs stratégies s’articulant autour de deux axes principaux : la prévention et le contrôle de l’infection ainsi que le BUA. 

Aide à la prescription pour un bon usage des antibiotiques (BUA)

Des études ont démontré l’apport non négligeable des antibiogrammes ciblés pour un usage “maitrisé” des antibiotiques par rapport aux antibiogrammes complets.  

Nous avons, par exemple, l’étude comparative multicentrique menée par le Dr Colette Coupat dans le cadre de sa thèse publiée sous le titre « Influence des antibiogrammes restreints sur le choix de l’antibiothérapie dans les infections urinaires : enquête multicentrique auprès d’internes de médecine générale ». 

Ces études montrent clairement que les antibiogrammes ciblés contribuent à restreindre significativement l’utilisation d’antibiotiques à large spectre ainsi qu’à améliorer la conformité des traitements par rapport aux recommandations. 

Les prescriptions ce type de médicaments par les internes devraient donc être guidées et facilitées par des antibiogrammes restreints. Ce résultat partiel de l’antibiogramme a pour effet de logiquement raccourcir la liste des antibiotiques suggérés afin de mieux cibler ceux qui sont pertinents. 

Notons que les antibiogrammes ciblés par culture microbiologique ne sont pas les seuls moyens de lutte contre l’antibiorésistance, d’autres approches sont disponibles, comme les tests syndromiques du type BIOFIRE®, utilisé dans le cas de pneumopathies.   

Ces tests présentent l’avantage de pouvoir fournir une adaptation plus rapide de traitements anti-infectieux, comme le montre les études menées au CHI de Villeneuve Saint-Georges

Le rôle essentiel des cliniciens 

Des cliniciens dépend le succès des campagnes visant à un BUA, il est par conséquent primordial qu’ils soient à même d’utiliser tous les outils de diagnostic modernes disponibles pour éviter des usages excessifs ou inappropriés des antibiotiques.  

Les cliniciens sont responsables des prescriptions dont dépendent non seulement la santé des patients, mais à une échelle encore plus large, la lutte contre la résistance aux antibiotiques, de même que la lutte contre le gaspillage des ressources. 

Nous sommes en droit de formuler l’hypothèse que la généralisation des antibiogrammes ciblés serait financièrement plus intéressante que la prescription excessive d’antibiotiques et ses conséquences. 

Pour ces raisons, il est important que les cliniciens soient mis à jour régulièrement concernant les avancées dans les domaines de pointe comme les antibiogrammes ciblés

Un support d’échange entre cliniciens et biologistes 

Sachant qu’aucun nouvel antibiotique avec un moyen d’action innovant n’a été développé depuis plus de 20 ans, cliniciens et biologistes, en première ligne dans la lutte contre l’antibiorésistance, doivent œuvrer main dans la main afin que les antibiotiques qui sont encore efficaces le restent le plus longtemps possible.  

L’antibiogramme ciblé permet donc une étroite collaboration de ces deux professions avec un échange de précieuses données visant à améliorer les diagnostics tout comme les prescriptions. 

Du dialogue clinico-biologique découlent d’ailleurs les décisions prises par les commissions des antibiotiques existantes dans les unités hospitalières. 

Accélérer le diagnostic pour un bon usage des antibiotiques

N’hésitez pas à télécharger notre livret sur le bon usage des antibiotiques avec, au sommaire :

  • Antimicrobial Stewardship (AMS) – Le diagnostic pour personnaliser les stratégies d’antibiothérapie
    • PCT, un biomarqueur clé
    • ETEST®, une arme contre les superbactéries
    • chromID®, une gamme pour contrôler les infections
    • MYLA® Lab Analytics, pour suivre et anticiper
    • BACT/ALERT® VIRTUO®, pour agir rapidement
  • Antimicrobial Resistance (AMR)
    • Global-PPS, un outil de surveillance international
  • Zoom COVID-19
    • Infections respiratoires basses – Des hospitaliers nous parlent de leur stratégie d’antibiothérapie

Vers des outils informatiques pour simplifier et automatiser l’antibiogramme ciblé? 

Son utilisation se heurte au manque de bases de données disponibles et aux processus plus complexes imposés aux laboratoires, lesquels doivent disposer de tous les renseignements cliniques nécessaires.  

Paramétrer les logiciels pour ce type d’examen est plus difficile que pour les tests de routine car cela implique de sélectionner les bonnes molécules en tenant compte des recommandations des infectiologues et aussi de disposer de middlewares, logiciels de partage de données bactériologiques.  

Le Dr Danielle Brabant-Kirwan, microbiologiste au HSN (Health Sciences North, Sudbury, Canada) confirme la contribution non négligeable apportée par des solutions informatiques pour l’identification plus rapide et efficaces des bactéries résistantes.  

Elle évoque notamment la puissance de la base de données MYLA® qui agrège les résultats obtenus dans BACT/ALERT® VIRTUO® (système automatisé de détection microbienne sur hémoculture), VITEK® MS (utilisant la spectrométrie de masse pour l’identification microbienne), et VITEK® 2, lequel évalue la sensibilité aux antibiotiques. 

Au final, patients, cliniciens, laboratoires et biologistes ont tous à bénéficier des apports des antibiogrammes ciblés.  

La recherche et les financements dans le domaine de l’antibiorésistance sont actuellement malheureusement peu organisés et inégalement répartis entre les différents pays. Un effort de concertation est encore à réaliser pour uniformiser et généraliser l’utilisation d’outils tels que celui-ci. 

Si le cas des infections urinaires bénéficie d’études complètes où ce type d’examen a démontré son efficacité, il est aussi possible d’imaginer une application élargie à d’autres infections, cutanées ou pulmonaires, par exemple. 

La concentration minimale inhibitrice (CMI) peut aussi constituer une aide à la prescription, notamment dans le cas de patients critiques. En effet, déterminer la CMI permet aux cliniciens de prendre une décision en connaissance de cause, à savoir, prescrire ou non un traitement par antibiotiques.  

En cas de forte CMI, on peut estimer avec une marge d’erreur très faible que l’efficacité thérapeutique de ces traitements sera faible ou nulle et qu’il faudra par conséquent y renoncer. 


(1) https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/consommation-d-antibiotiques-et-antibioresistance-en-france-en-2019  

(2) https://www.sfm-microbiologie.org/wp-content/uploads/2020/04/CASFM2020_Avril2020_V1.1.pdf 

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