diagnostic moléculaire

En France, la tendance à la réduction des consommations d’antibiotiques dans les établissements de santé observée entre 2016 et 2019 ne s’est pas confirmée en 2020 sous l’effet de l’épidémie de Covid-191. C’est en particulier dans les services de réanimation que les consommations les plus importantes sont observées.
À l’occasion du congrès de la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) qui s’est tenu en juin 2022 à Paris, le duo réanimateur et infectiologue a partagé leurs bonnes pratiques avec la PCR multiplexe BioFire dans les pneumonies associées aux soins (Partie 1) et chez le patient immunodéprimé (Partie 2).


Partie 1 : Place de la PCR multiplex dans l’épargne antibiotique des pneumonies associées aux soins

Pr Claire ROGER
Réanimation chirurgicale, Pôle Anesthésie Réanimation Douleur Urgences, CHU Nîmes

La mortalité attribuable et/ou associée à la résistance bactérienne est la plus élevée pour les infections respiratoires basses2.


Dans ce contexte, la question de l’épargne antibiotique est cruciale, en particulier en ce qui concerne les cas de pneumonies associées aux soins. Le réseau de surveillance REA REZO observe une stabilité dans l’incidence des pneumonies associées aux soins en réanimation entre 2011-2019 et une augmentation majeure en 2020 avec l’arrivée de la pathologie COVID-19.3« Ce n’est pas lié uniquement au nombre de malades qui sont arrivés en réanimation, mais à la pathologie COVID en elle-même », précise le Pr. Claire Roger. « L’incidence des pneumonies associées aux soins est plus importante chez ces patients.4»

Cette situation a abouti à une utilisation massive d’antibiotiques au niveau mondial. Les données du registre SEMI-COVID-19 montrent que sur 13932 patients COVID-19 hospitalisés avant fin Juin 2020,  12238 (88 %) ont reçu des antibiotiques, bien qu’ils aient été admis pour une pathologie virale5.
Pourquoi un tel mésusage de ces médicaments ? « En raison des difficultés diagnostiques des co-infections et sur-infections bactériennes », explique le professeur Claire Roger. « Mais aussi du manque de biomarqueurs pour aider à distinguer les patients qui se surinfectaient. Enfin, l’imagerie, un élément important dans le diagnostic de la PAVM, est prise en défaut : les images sont assez similaires chez les patients avec ou sans une surinfection bactérienne. »

Le BioFire® FilmArray® Pneumonia plus panel intègre la pratique clinique

Pour limiter l’usage d’antibiothérapie inappropriée, les cliniciens doivent pouvoir s’appuyer sur de nouveaux tests diagnostiques. « Les tests PCR multiplexes respiratoires sont venus compléter les éléments pris en compte dans la décision thérapeutique des patients dans un certain nombre d’unités », souligne la clinicienne. C’est le cas du BioFire® Pneumonia plus panel, qui détecte, en 1 heure, 34 cibles (15 bactéries avec les résultats semi-quantitatifs, 3 bactéries atypiques, 9 virus et 7 gènes de résistance).

« Dans la réflexion de la conduite de l’antibiothérapie, il faut prendre en compte les « trous » dans la raquette de cette PCR multiplexe : Stenotrophomonas maltophilia, Morganella morganii, Citrobacter freundii, Hafnia alvei, Enterococcus spp., les staphylocoques à coagulase négative et certains mécanismes de résistance (Surexpression d’AmpC, Imperméabilité, BLSE non CTX-M). » explique le professeur Roger.

 « Pour pouvoir faire l’épargne antibiotique, il faut s’assurer que l’outil est fiable en terme de performances diagnostiques. Une étude multicentrique menée dans 11 hôpitaux français sur 515 prélèvements respiratoires (LBA, AET, expectorations) démontre la sensibilité (PPA = 94.4%) et spécificité (NPA=96%) élevées du BioFire Pneumonia plus Panel6».

poursuit le Pr Roger

Un test qui permet l’arrêt d’une antibiothérapie inutile

Pr Claire Roger présente le cas d’une patiente de 48 ans, avec des antécédents d’asthme et d’obésité, admise fin février 2021 en soins continus pour la fièvre et une dyspnée croissante sept jours après le début des symptômes COVID-19 (test COVID-19 positif) et un Syndrome Inflammatoire Biologique majeur.

Les médecins démarrent un traitement probabiliste par C3G et dexaméthasone. Trois jours plus tard, la patiente est transférée en réanimation lorsque son état s’aggrave pour détresse respiratoire aiguë. Sa prise en charge initiale repose sur l’intubation orotrachéale, la ventilation mécanique et la mise en décubitus ventral. Des prélèvements respiratoires sont réalisés (LBA).

Image 1 : résultats de biologie et d’imagerie

« Les résultats du panel BioFire®, qui nous parviennent en deux heures, n’ont révélé la présence d’aucune bactérie ou gène de résistance, se souvient Claire Roger. Sur la base de ces résultats, et au terme d’une discussion pluridisciplinaire, nous avons décidé d’arrêter l’antibiothérapie. »

Dans certaines situations, même en cas de test BioFire® négatif, une antibiothérapie est maintenue, notamment par crainte d’être face à une bactérie hors panel. « Il faut connaître son écologie locale», pointe le Pr Claire Roger. « Les données de nos trois unités de réanimation du CHU de Nîmes sur 69 LBA et mini-LBA provenant de 51 patients COVID-19 avec SDRA nous montrent que chez nous, les trous dans la raquette concernent surtout de la flore oro-pharyngée polymorphe et quelques Stenotrophomonas.» (Image 2)

Image 2 : Données personnelles Pr Claire Roger, CHU de Nîmes

 « Le BioFire Pneumonia plus Panel peut aider à épargner des antibiotiques en arrêtant une antibiothérapie inutile ou en évitant de l’instaurer grâce aux résultats très rapides. Cette situation clinique d’épargne est décrite dans la littérature notamment pour les patients COVID-19.7,8 Pour conforter la décision d’arrêt/non-initiation, il faut prendre en considération différents critères, notamment les signes de gravité du patient (absence de choc septique), l’écologie de son service, résultats du Gram (par rapport aux pathogènes hors panel).9Dans la décision d’antibiothérapie, il y a aussi un côté psychologique et il est nécessaire de travailler sur les changements comportementaux face à l’antibiothérapie. » résume le Pr Roger.

Un test qui permet la désescalade antibiotique

Le BioFire® Pneumonia plus panel permet également, dans d’autres cas, d’adapter la prescription antibiotique et de réduire son spectre. Pr Claire Roger mentionne le cas d’une patiente de 47 ans, avec des antécédents d’obésité morbide et du tabagisme actif, qui revient du Maroc et souffre de détresse respiratoire, hyperthermie à 39°C et carbonarcose quatre jours après une chirurgie de Sleeve. Elle est intubée et ventilée après un échec de VNI.

Image 3 : résultats de biologie et d’imagerie

Les marqueurs d’inflammation sont augmentés, une hématose altérée et le scanner thoracique révèle une pneumonie associée aux soins. En l’attente des résultats des tests réalisés sur des prélèvements microbiologiques (dont un test BioFire®), une antibiothérapie probabiliste par tazocilline et amikacine est initiée. Pendant ce temps, les cliniciens reçoivent un appel de l’équipe opérationnelle d’hygiène qui les informe de la détection de Klebsiella pneumoniae et Citrobacter koseri, toutes deux productrices de carbapénémase NDM et de béta-lactamase à spectre élargi sur l’écouvillon rectal prélevé à l’entrée de la patiente.

« À ce stade nous nous posons beaucoup de questions sur l’antibiothérapie la plus appropriée », confie le Pr Claire Roger. « Faut-il prendre en compte la colonisation ? Si oui, les options thérapeutiques sont la colistine ou l’association aztreonam + avibactam, mais nous sommes embêtés de choisir des antibiotiques à aussi large spectre. »

Pr Claire Roger

En quelques heures, le test BioFire® réalisé sur le LBA indique la présence de K. pneumoniae et de la BLSE du type CTX-M dans le poumon. La recherche de NDM est négative. « Finalement, chez cette patiente, nous avons utilisé du méropénème, mais pas des antibiotiques de dernier recours à très large spectre », conclut-elle. Ces résultats ont été confirmés ensuite par la culture : K. pneumoniae BLSE 105 UFC/mL, sensible au méropénème.

Selon les données de la littérature, on peut épargner un certain nombre de molécules à large spectre comme méropénème, la tazocilline, la vancomycine par la recherche des mécanismes de résistance et notamment la recherche de mecA+MREJ.10,11,12,13

L’ampleur du bénéfice du BioFire Pneumonia plus panel sur l’épargne d’antibiotiques à large spectre dépend aussi du protocole local d’antibiothérapie probabiliste de chaque unité.

Epargne antibiotique par gain de temps ?

Grâce au BioFire Pneumonia plus panel, le temps d‘identification de bactéries est réduit de >40h et le temps de détection des marqueurs de résistance de >50h. 14

« Dans cette réduction du délai de la documentation microbiologique, le clinicien voit le gain en terme d’heures pour réadapter l’antibiothérapie »

commente le Pr Roger


En conclusion, « la technique de PCR multiplexe BioFire Pneumonia et un outil très intéressant pour les pneumonies associées aux soins dans les services de Réanimation qui peut nous aider à gagner du temps et à épargner des antibiotiques à travers 2 situations cliniques : 1. arrêt/non-instauration et 2. désescalade. On peut épargner des molécules à large spectre par la recherche des mécanismes de résistance. Mais prudence à la limitation des techniques de biologie moléculaire qui ne permettent pas de rechercher tous les mécanismes ».

« Dans tous les cas, il faut intégrer BioFire Pneumonia plus panel dans les programmes de bon usage des antibiotiques. »

conclut le Pr Claire Roger de la Réanimation chirurgicale du CHU Nîmes

  1. Santé Publique France https://www.santepubliquefrance.fr/view/content/423397/full/1/498986
  2. Antimicrobial Resistance collaborators; Lancet 2022 https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)02724-0/fulltext
  3. Rapport annuel REA REZO 2020 http://rearezo.chu-lyon.fr/resultats/rapport_rearezo_2020.pdf
  4. Vacheron et al. ; CCM 2022 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35537122/
  5.  https://bmcinfectdis.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12879-021-06821-1
  6. Gastli et al. ; CMI 2021
  7. Maataoui et al.; EJCMID 2021
  8. Molina et al.; Crit Care 2022
  9. Novy et al.; Microbiol Infect Dis 2021
  10. Buchan et al. ; J Clin Microbiol 2020
  11. Yoo et al.; Int J Infect Dis 2020
  12. Monard et al. ; Crit Care 2020
  13. Guillotin et al. ; Frontiers in Cellular and Infection Microbiology 2022
  14. Webber et al.; J Clin Microbiol 2020

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