Quel dispositif d’urgence dédié au Covid-19 a été intégré au sein de l’IHU ? Quelle stratégie a été adoptée par l’IHU pour diagnostiquer ces patients « suspectés » ? Précisions avec le Pr Pierre-Édouard Fournier, médecin biologiste à l’IHU Méditerranée Infection.
À gauche : le Professeur Pierre-Édouard Fournier, à droite : l’interne en biologie médicale Yahya El Baroudi
L’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection, sur le site de la Timone à Marseille est un institut dont l’une des missions principales est de répondre aux urgences sanitaires en maladies infectieuses. Avec son pôle d’Infectiologie, grâce à ses locaux de type NSB3 et ses capacités de diagnostic moléculaire, l’IHU est capable de prendre en charge des patients dans un contexte d’émergence de nouveaux pathogènes.
Pour l’activité de routine, l’IHU a opté pour la mise en place de Point of Care (POC) pour répondre à des situations d’urgence où la rapidité de rendu des résultats est primordiale. En quoi consistent ces POC ?
Depuis 2007, nous avons, mis en place deux laboratoires Point-de-Soin (Point of Care, POC) : un au sein des Urgences de l’Hôpital Nord et un au sein de l’IHU sur le site de l’hôpital de La Timone. Ces laboratoires ouverts 24h/24 et 7j/7 ont comme engagement de rendre des résultats des tests diagnostiques en moins de 4 heures et d’aider le clinicien dans sa prise en charge des patients atteints des maladies infectieuses. Ils sont équipés de tests immuno-chromatographiques et de tests de biologie moléculaire, démarrant avec des tests « maison », et intégrant de plus en plus des tests syndromiques commercialisés.
Les analyses sont réalisées par des internes en biologie médicale. Nous avons mis en place des bons de prescription dédiés au POC pour acheminement direct des échantillons au laboratoire POC. Environ 100 à 200 analyses sont faites par jour au POC de l’IHU.
En tant que pionnier de la biologie moléculaire dans le diagnostic depuis les années 1990, nous continuons à développer nos techniques maison de PCR en temps réel. Aujourd’hui, cette volonté de développement nous aide à répondre aux problématiques des pathogènes émergents plus rapidement qu’une mise sur le marché des tests diagnostiques commerciaux.
Qu’est-ce qui vous a amené à intégrer des tests syndromiques BioFire® FilmArray® dans vos laboratoires POC ?
Leurs performances, leur facilité d’utilisation et le fait de pouvoir rendre davantage de pathogènes pour le même geste. Chaque laboratoire POC est équipé du système BioFire® FilmArray® Torch 4 modules (cf image 1). Nous utilisons les panels Respiratoire, Méningite/Encéphalite et Gastrointestinal, qui jouent aujourd’hui un rôle majeur dans le diagnostic d’urgence. Ces panels nous permettent de répondre aux besoins des cliniciens, en particulier des urgentistes et des réanimateurs, pour obtenir des résultats rapides et fiables.
Votre IHU a été parmi les premiers mobilisés, en France, face au risque de contagion du Covid-19. Dans ce contexte épidémique, quelle approche avez-vous choisie ?
Une des missions principales de notre IHU est de répondre aux urgences sanitaires en maladies infectieuses et d’être capable d’agir par rapport à l’émergence des agents infectieux en France, tout particulièrement. L’histoire du SARS-CoV-2 rentre dans ce cadre. Il faut que l’on soit en capacité d’une part, d’isoler des malades avec une suspicion de ce virus émergent et, d’autre part, de le diagnostiquer et le dépister.
C’est tout naturellement que l’IHU a été sollicité pour une prise en charge des patients rapatriés de Chine.
Il a fallu développer en urgence une technique PCR dont on ne disposait pas. Pour ce faire, nous avons obtenu des amorces PCR pour SARS-CoV-2 du laboratoire du Pr Bruno Lina, HCL et Centre national de référence virus des infections respiratoires – Laboratoire associé.
Pour les patients avec facteurs de risque (passagers en provenance de zone d’exposition à risque ou « cas contacts »), nous avons installé un petit laboratoire POC (cf image 2), à proximité de l’entrée des Urgences, avec un circuit fermé.
Nous avons mis en place un système d’astreinte 24h/24 avec les techniciens dédiés. On a dû réaliser un millier de tests sur la population des rapatriés français de Chine. De plus, des patients se présentant aux Urgences avec une suspicion de Covid-19 bénéficient de notre système d’astreinte.
Comment avez-vous équipé votre laboratoire POC à l’accueil des Urgences, dédié au SARS-CoV-2 ?
Nous avons intégré dans ce mini-laboratoire :
- Un plan de travail sécurisé sous forme d’une borne ;
- Un extracteur d’acides nucléiques, un thermocycleur pour la réalisation de la PCR SARS-CoV-2 ;
- Ainsi que le système de l’approche syndromique BioFire® FilmArray® V2.0 pour rechercher d’autres pathogènes potentiellement responsables des symptômes respiratoires.
Dans quel flux diagnostique rentre un patient « suspect » de Covid-19 ?
On commence par un interrogatoire pour évaluer les facteurs de risque pour Covid-19, selon les critères du CDC. Si les facteurs de risque sont identifiés, le patient se présente à l’entrée de l’IHU, s’équipe d’un masque et s’oriente vers l’accueil des Urgences. Il est pris en charge par le personnel dédié équipé de protection individuelle. Nous avons une zone d’accueil des patients hautement contagieux (cf image 3), composée de six box. L’échantillon respiratoire du patient est collecté sur place et immédiatement traité au laboratoire POC de l’accueil des urgences. Cette organisation nous permet de nous affranchir des contraintes de transport.
Nous lançons simultanément l’extraction en amont de la PCR ciblée SARS-CoV-2 et le BioFire® FilmArray® Respiratory panel afin d’élargir la recherche étiologique. Les résultats sont rendus au patient en 1 heure pour le panel respiratoire BioFire et 3 heures pour la PCR ciblée SARS-CoV-2. À ce jour, 7 cas ont été positifs au SARS-CoV-2. Néanmoins, la grippe et le rhinovirus étaient les agents pathogènes majeurs détectés à l’aide de BioFire.
Comment est pris en charge un cas détecté positif pour SARS-CoV-2 dans votre établissement ?
Les patients positifs au SARS-CoV-2 sont immédiatement admis dans le service des Maladies infectieuses NSB3, situé au 3e étage, en dehors de tout contact avec d’autres personnes. Le niveau de sécurité biologique de notre service de Maladies infectieuses a été augmenté de 2 (NSB2) à 3 (NSB3) pour répondre à l’urgence de Covid-19.
Quelles ont été vos attentes vis-à-vis de bioMérieux ?
Dans cette crise du SARS-CoV-2, nous avons dû être efficaces. Confrontés à l’arrivée prévue des rapatriés de Chine, il a fallu mettre en place rapidement des tests diagnostiques. Nous cherchions des partenaires avec l’expertise en diagnostic moléculaire pour nous aider à équiper notre POC à l’accueil des Urgences. BioMérieux était très réactif dans cette situation de crise et nous a mis à disposition un système BioFire® FilmArray® v2.0.
Selon vous, quel est l’avenir de l’approche syndromique rapide ?
Des systèmes comme le BioFire® FilmArray® sont amenés à se démocratiser. L’avenir, c’est d’avoir des systèmes de plus en plus performants, couvrant de plus en plus de pathogènes, avec le temps de rendu de résultats très rapide. Ce type de tests de biologie moléculaire pourra être déployé dans les endroits où l’accessibilité au diagnostic est difficile aujourd’hui (comme les bateaux).
Contact : Martina Hnatova, PhD. Chef de marché BioFire, bioMérieux France
Février-Mars 2020 – Biologiste infos n°104