Née dans les années 1940, l’intelligence artificielle – ou IA – est une discipline qui réunit des sciences, des théories et des techniques, notamment la logique mathématique, les statistiques, les probabilités, la neurobiologie computationnelle et l’informatique. Elle a connu un nouvel essor ces dix dernières années grâce aux algorithmes d’apprentissage automatique (deep learning) et transforme peu à peu le secteur de la santé.

Biologie hospitalière

Quand on parle d’intelligence artificielle, deux courants co-existent pourvus d’objectifs différents. D’un côté, l’intelligence artificielle « forte », visant à créer une machine qui raisonne comme un être humain, avec le risque de générer une machine supérieure à l’homme et dotée d’une conscience propre. Cette voie de recherche, toujours explorée, est considérée comme inatteignable par de nombreux experts. De l’autre côté, l’intelligence artificielle « faible », qui participe à la conception de machines pour aider l’être humain dans ses tâches fait déjà la preuve de son efficacité dans le secteur de la santé. 
Selon le cabinet d’audit PwC, l’intelligence artificielle porte en elle la promesse d’une métamorphose du secteur de la santé1, avec l’espoir de passer d’une médecine curative à une médecine prédictive. Elle s’appuie sur le développement d’algorithmes d’apprentissage automatique, la prolifération des données numériques et biométriques, l’accélération de la puissance de calcul et sur les progrès dans le domaine médical et biologique. La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a encore accéléré cette transformation avec l’explosion de la demande de tests biologiques et des données associées.

intelligence artificielle France

Laisser sa place à l’expertise humaine

La crise sanitaire a également mis en valeur une gestion essentiellement humaine. David Gruson, fondateur d’Ethik IA, intervenait en mai 2020 lors d’un webinaire organisé par le think tank #Leplusimportant. « Dans des conditions parfois rudimentaires, le numérique n’est qu’un outil subsidiairea souligné David Gruson. Si nous n’apportons pas des réponses claires, les soignants et les patients adopteront une attitude conservatrice, fermée et de blocage de l’innovation. D’où notre volonté de promouvoir la garantie humaine».  

Ce concept de garantie humaine figure également dans le livre blanc de la Commission européenne sur l’intelligence artificielle publié en février 2020. 

« Un contrôle humain contribue à éviter qu’un système d’IA ne mette en péril l’autonomie humaine ou ne provoque d’autres effets néfastes. Une IA digne de confiance, éthique et axée sur le facteur humain n’est possible que si une participation adéquate de l’être humain est garantie lorsqu’il s’agit d’applications à haut risque. » 

David Gruson, fondateur d’Ethik IA

En novembre 2019, le Sénat a rendu public un rapport qui aborde la thématique de l’IA en santé. Pour ses auteurs, Marie Mercier et René-Paul Savary, « la perspective d’une médecine totalement robotisée et de soins effectués par des machines est cependant aussi effrayante qu’illusoire. L’IA intervient surtout comme un outil d’aide à la décision. »  
Par ailleurs, dans le domaine de la santé et du soin, il existe une préférence forte pour une prise en charge par des êtres humains. L’enquête réalisée en 2017 par OpinionWay sur l’usage des innovations par les Français indique que 51 % des personnes interrogées n’envisageaient pas de se fier à un diagnostic médical établi sans intervention humaine2.  

Redéfinir le rôle des médecins

Si l’intelligence artificielle ne va pas remplacer le médecin, elle va redéfinir les conditions d’exercice du métier et la relation avec le patient. « Les médecins de demain devront être compétents dans leur domaine de prédilection et aussi maîtriser les technologies dont ils feront usage tous les jours », estime le cabinet PwC. 

Jérôme Béranger est chercheur (PhD) associé en éthique du numérique à l’unité Inserm de l’Université Paul Sabatier de Toulouse et cofondateur d’ADEL (Algorithm Data Ethics Label). Dans une interview accordée à Sanofi, il explique que « le risque majeur est la perte du libre arbitre face à un système expert susceptible de prendre une décision qui n’est pas adaptée au patient, ou ne lui garantit pas un traitement équitable, parce que son analyse est erronée ou biaisée. Il est nécessaire pour les soignants de comprendre comment l’algorithme fonctionne, sur quelles données se fonde son analyse, et de conserver un esprit critique – que l’IA n’a pas. […] Le médecin doit être capable d’expliquer à son patient le raisonnement qui a conduit à poser tel diagnostic, la stratégie thérapeutique qu’il préconise. Sans parler de l’importance de la relation humaine dans la médecine, qui doit perdurer. Une machine n’est pas capable d’empathie. »

La formation, élément clé

L’intelligence artificielle représente donc une nouvelle donnée d’entrée de la pratique des médecins et des biologistes. Cédric Villani, mathématicien et député de l’Essonne, est l’auteur d’un rapport publié en mars 2018 intitulé « Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne. » Il lui semble important de « former les professionnels de santé aux usages de l’IA, de l’Internet des objets et du Big Data (…) de plus, nous devons transformer les voies d’accès aux études de médecine en y intégrant davantage d’étudiants spécialisés dans le domaine de l’informatique et de l’IA. » 
Le LEEM, syndicat des entreprises du médicament, confirme que le temps d’adaptation et d’intégration de ces technologies par le corps médical est un point clé. « Si certains médecins sont enthousiastes à l’idée d’être épaulés par les technologies, d’autres sont plus sceptiques, voire critiques. Les promesses de l’IA sont donc bien réelles, reste néanmoins à relever l’immense défi de trouver un nouvel équilibre entre la machine, le patient et les équipes médicales »

Applications de l’intelligence artificielle en santé

  • Médecine prédictive : prédiction d’une maladie ou de son évolution
  • Médecine de précision : recommandation de traitement personnalisé
  • Aide à la décision : diagnostique et thérapeutique
  • Robots compagnons : notamment pour les personnes âgées ou fragiles
  • Chirurgie assistée par ordinateur
  • Prévention en population générale : anticipation d’une épidémie & pharmacovigilance

Source : Inserm

Les professionnels de santé garants du diagnostic

Les risques associés à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé dessinent en creux la valeur ajoutée des professionnels de santé quand il s’agit de formuler un diagnostic. Le LEEM pointe les enjeux de responsabilité : « si une machine délivre un mauvais diagnostic, si un robot dysfonctionne, qui sera responsable ? » L’analyse des données par l’intelligence artificielle ne peut se passer du filtre, ni de l’expérience, du biologiste en laboratoire et du clinicien
C’est également ce que suggère l’Institut Montaigne en citant l’exemple de la biologie.

« La robotisation des plateaux techniques en biologie ne s’est pas traduite par la disparition du métier de biologiste ni même par une réduction massive des effectifs de biologistes. Le contenu du métier s’est, en revanche, déplacé vers des activités de validation à plus haute valeur ajoutée humaine et vers un rôle nouveau de management. » 

Institut Montaigne

Pour exemple, la solution d’IA WASPLAB® PhenoMATRIX™ de bioMérieux, utilisée par les plateaux de microbiologie des Hospices Civils de Lyon (HCL), de l’Hôpital Saint-Louis à Paris et de Labosud. Elle fournit des propositions de résultats obtenus grâce à des algorithmes d’analyses d’images, des arbres décisionnels établis par le biologiste et les règles du laboratoire. « C’est la démarche intellectuelle de l’IA inverse, on vérifie si l’on est d’accord avec ce que suggère l’IA », décrypte Olivier Dauwalder, responsable du plateau. 
Une fois ces nouveaux outils numériques acquis, reste aux professionnels de santé davantage de temps à consacrer à la validation et à la discussion autour des cas les plus complexes. Pour les équipes de bioMérieux, ils ouvrent de nouvelles possibilités, comme la maintenance virtuelle de ces automates WASPLAB® automates grâce à la réalité augmentée

Les données indispensables au diagnostic

Les données massives ou big data sont le carburant de l’intelligence artificielle.

« Plus une machine enregistre de données, plus elle est capable de s’adapter à son environnement et de prendre des décisions semblables à celles qu’un être humain pourrait prendre »

explique Marc Damez-Fontaine, Directeur Data Intelligence chez PwC France. 

Pour l’Inserm, ces données doivent être « parfaitement propres et bien annotées, comme celles utilisées pour la reconnaissance de mélanomes. » En effet, des applications existent pour repérer de possibles mélanomes sur les photos de peau ou pour dépister des rétinopathies diabétiques sur des images de rétine. « Leur mise au point nécessite de grands échantillons d’apprentissage : 50 000 images dans le cas des mélanomes, et 128 000 dans celui des rétinopathies. » 

Mais quand il est question de santé, si les données existent, elles ne sont pas toujours accessibles ou de bonne qualité. C’est à cette mission que s’attelle le « Health Data Hub » créé en novembre 2019 à la suite de la parution du rapport de Cédric Villani. Cette plateforme nationale sécurisée de collecte et de traitement des données de santé a pour objectif de faciliter le partage des données de santé issues de sources très variées, afin de favoriser la recherche, le tout dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD). 

Des bénéfices pour les patients

Les avantages pour les patients sont multiples en matière de prévention et de prise en charge. Le LEEM souligne l’intérêt d’analyses menées sur de larges cohortes de population pour « identifier des facteurs de risque pour certaines maladies comme le cancer, le diabète ou les maladies neurodégénératives ou […] caractériser plus rapidement les maladies rares grâce à une analyse plus rapide et plus efficace des images (scanners, échographies). » À l’étape de la prise en charge, « l’intelligence artificielle participera à la personnalisation des traitements, en particulier dans le cas de certains cancers, de mieux en mieux caractérisés en fonction de données génétiques, car l’enjeu est d’établir des choix thérapeutiques de plus en plus individualisés. » 

Ces applications permettraient aussi de lisser les inégalités quant à l’accès aux soins dans certains territoires. Karine Lévy-Heidmann, responsable du développement des partenariats santé et coordinatrice de la mobilisation Kicking Cancer chez Makesense indique à PwC : « avec la numérisation progressive des dossiers médicaux, puis la réalisation de consultations à distance grâce à des salles de télémédecine dotées des technologies dédiées, on imagine sans peine que la prochaine étape sera l’arrivée de robots dotés des bons algorithmes, capables de recevoir et de questionner les patients, de croiser les informations reçues avec d’immenses bases de données, et de réaliser des pré-diagnostics. […] Permettre aux patients d’être suivis plus régulièrement, leur faire gagner le temps des déplacements et opérer un premier tri pour le médecin sont autant de bénéfices à valoriser face au problème de la pénurie de médecins et du manque d’infrastructures dans certaines régions françaises. »  

1.https://www.pwc.fr/fr/decryptages/transformation/intelligence-artificielle-au-service-sante.html 
2.https://www.opinion-way.com/fr/sondage-d-opinion/sondages-publies/opinionway-pour-vmware-l-usage-de-l-intelligence-artificielle-par-les-francais-novembre-2017/viewdocument/1767.html 

Pour en savoir plus, consultez : 

Articles complémentaires

Les hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière choisissent d'installer une plateforme de microbiologie automatisée dotée d’intelligence artificielle (IA)

Lire

L’intelligence artificielle transforme la biologie médicale

Lire

Intelligence Artificielle en laboratoire médical : quel impact ?

Lire

Automatisation Laboratoire de Microbiologie: un exemple de déploiement

Lire

La Réalité Augmentée au service des Laboratoires de Microbiologies

Lire