diagnostic moléculaire


La Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU) organisait fin mars 2022 une «Masterclass Sepsis». bioMérieux, en tant que sponsor de cet événement international, a convié un urgentiste, une microbiologiste et un réanimateur pour partager leurs points de vue respectifs sur le diagnostic microbiologique moléculaire dans la prise en charge du sepsis.

Peu importe le microorganisme responsable ou la porte d’entrée. En cas de sepsis, la rapidité d’introduction d’une antibiothérapie efficace est cruciale pour la survie des patients. Le Dr François Dépret, réanimateur au sein du département d’anesthésie-réanimation et du centre de traitement des brûlés des hôpitaux universitaires Saint-Louis et Lariboisière à Paris, l’a rappelé en citant une étude parue en 2022 dans la revue Critical Care.

« On constate une augmentation de mortalité à J-28 en cas de retard de l’introduction d’antibiothérapie dans les états septiques, ainsi qu’un risque accru de progression du sepsis vers le choc septique »1 

a précisé le Dr Dépret


Une antibiothérapie probabiliste inappropriée survient chez environ 20% des patients en choc septique et est associée à une réduction de la survie de 5 fois.2 Les efforts pour augmenter la fréquence de l’antibiothérapie initiale adéquate doivent être au cœur de nos préoccupations visant à réduire la mortalité des patients en choc septique.2

Le choix de l’antibiotique à prescrire questionne les cliniciens dans un contexte d’antibiorésistance grandissante en Europe et dans le monde.

« D’un côté, pour ne pas grever le pronostic des patients, nous sommes tentés de recourir à des antibiothérapies probabilistes à large spectre, avec le risque d’induire de plus en plus de résistances. De l’autre côté, nous avons la volonté de prescrire des antibiothérapies plus ciblées, mais qui s’accompagnent d’un risque d’échec. »

Dr Dépret


« Les outils moléculaires, comme BioFire BCID2 panel, sont prometteurs, car ils peuvent nous donner une identification d’un microorganisme plus précoce, ainsi que détecter des gènes de résistance, nous permettant de réduire ou d’élargir le spectre de l’antibiothérapie initiale. »

Dr Dépret


Le diagnostic et le suivi des patients septiques, un continuum vertueux

Tout un continuum vertueux doit s’instaurer dès l’arrivée d’un patient à l’hôpital, nourri d’un dialogue permanent entre les cliniciens d’un côté et les biologistes de l’autre.
Les urgentistes, de par leur positionnement « en première ligne » dans le parcours de soin hospitalier, doivent avoir les bons réflexes comme l’a souligné le Professeur Pierre Hausfater, chef du service d’urgences de l’hôpital parisien Pitié-Salpêtrière :

« Les deux tiers des sepsis, pris en charge à l’hôpital, arrivent aux urgences.3 Le diagnostic de sepsis, c’est bien un travail d’urgentiste. Nous avons un rôle primordial dans le début de la prise en charge à la fois pour identifier ce syndrome et réaliser des prélèvements microbiologiques qui vont permettre de déterminer le pathogène en cause, avant toute intervention thérapeutique. »

« C’est grave de ne pas identifier une infection chez les patients se présentant aux Urgences », poursuit le Pr Hausfater. Selon une étude japonaise, les patients avec un diagnostic erroné ou le site d’infection non-identifié avaient une mortalité hospitalière significativement plus élevée que ceux avec un diagnostic correct de l’infection [28/113 (24.8%) vs. (118/861 (13.7%); p < 0.01].4 « Notre travail est d’identifier correctement l’infection », souligne le Pr Hausfater.

« Une façon de faire serait de traiter toutes les suspicions d’infection avec des antibiotiques. C’est parfois la lecture erronée que l’on a des recommandations de la Surviving sepsis campain. Cette attitude serait problématique car une proportion non négligeable de patients serait traitée avec les antibiotiques à tort »

alerte le Pr Hausfater


Selon une étude rétrospective sur 300 patients adultes se présentant aux Urgences avec une forte suspicion d’infection, définie par un prélèvement d’hémocultures et une mise sous une antibiothérapie IV à large spectre, un tiers n’avait pas in fine d’infection bactérienne. Il s’agissait majoritairement de patients avec une infection virale et/ou une pathologie non-infectieuse, comme cardiaque.5 Ces résultats soulignent les difficultés de diagnostiquer une infection aux Urgences. « Les mesures thérapeutiques que l’on initie aux urgences sont importantes, parce qu’elles vont les plus souvent être poursuivies dans les services aval », insiste le Pr Hausfater.  

« La surviving sepsis campain nous recommande de faire des hémocultures le plus vite possible, avant de donner la première dose d’antibiotiques, donc quelques réflexions sur comment faire des hémocultures aux urgences » partage-il.

L’hémoculture, prélèvement précieux pour détecter et caractériser les états septiques, n’est pas une pratique à laquelle les médecins urgentistes sont fortement sensibilisés, les délais de rendu de résultat pouvant atteindre 7 jours en fonction des temps de croissance microbienne. « Nous n’avons pas le résultat aux urgences, résume le Pr Hausfater. Mais il faut penser aux services d’aval et prélever des hémocultures devant toute suspicion de sepsis. » Dans son service, l’urgentiste et son équipe s’appuient sur les recommandations du laboratoire de microbiologie de l’hôpital pour guider les prélèvements d’hémocultures. « Nous réalisons surtout des hémocultures aérobies (anaérobie si pathologie digestive), poursuit-il, qu’il y ait hyperthermie ou non, sur veines périphériques et sur toutes les portes d’entrée (port-à-cath, cathéter central..). Nous prélevons d’emblée 40 ml, deux sets d’hémocultures. »

Quelle est actuellement la place pour la biologie moléculaire aux Urgences ?

« Le diagnostic de sepsis aux Urgences commence par la pertinence et l’acuité du diagnostic des suspicions d’infection et c’est particulièrement important pour les infections respiratoires. Il est clair que le diagnostic étiologique de l’infection, même aux urgences, passe maintenant par les techniques moléculaires. »

L’hémoculture pas à pas

Le docteur Hélène Pailhoriès, du laboratoire de bactériologie – hygiène du CHU d’Angers, a détaillé le parcours standard d’une hémoculture à son arrivée dans ce service qui fonctionne 24h/24 et 7j/7. Après les contrôles d’identitovigilance, les flacons sont placés dans l’automate et le volume de sang est contrôlé. « Le remplissage joue sur la sensibilité des tests, a souligné Dr Pailhoriès. Nous préconisons quatre à six flacons remplis de manière adéquate, représentant 40 à 60 ml de sang par épisode6, possiblement en un seul prélèvement. » Débute ensuite une incubation à 35°C, jusqu’à détection d’une croissance bactérienne par l’automate, ou pour cinq à sept jours selon les recommandations6. « Dans notre laboratoire, nous incubons les flacons 5 jours maximum dans la mesure où très peu de bactéries sont récupérées entre 5 et 7 jours7. Au-delà de 5 jours d’incubation, dans la plupart du temps il s’agit des contaminants ou dans de très rares cas des faibles productrices de CO2 ou bactéries à croissance lente », précise-t-elle.

Sur une hémoculture positive, plusieurs tâches sont menées dans les deux premières heures :

« Nous réalisons un examen direct dont nous transmettons les résultats en urgence au service clinique. Cela demande une expertise car cet examen peut être subjectif et difficile d’interprétation. »
Dr François Dépret confirme que cet examen est une source d’informations importante pour orienter l’antibiothérapie : « l’interaction avec le laboratoire de microbiologie est fondamentale, car lorsque le microbiologiste est expérimenté, l’examen direct peut lui évoquer par exemple des entérobactéries ou Pseudomonas».

« Nous avons intégré dans notre algorithme le test moléculaire BioFire BCID2 panel comme une aide à l’examen direct »

poursuit le Dr Pailhoriès


Enfin, ces deux heures sont également dédiées à l’ensemencement de géloses dont le choix dépend des résultats de l’examen direct et des hypothèses du microbiologiste.

Pour le reste du flux de travail, il faut prendre en considération le fonctionnement du laboratoire de bactériologie du CHU d’Angers 24h/24 7j/7. Il y a toujours un technicien au laboratoire qui fait les identifications et lance les antibiogrammes d’hémocultures.

Dans les huit heures « post-positivité », l’équipe poursuit ses investigations :

« nous réalisons l’identification précoce sur colonies bactériennes à partir d’une culture rapide par spectrométrie de masse », poursuit la microbiologiste. S’il s’agit des bactéries à culture rapide comme entérobactéries ou staphylocoques, nous avons une première idée d’identification à partir de 8h. » Dès qu’une croissance est visible dans une des boîtes de Petri, des antibiogrammes sont lancés, donnant des résultats à partir de 18h post-positivité.

Les laboratoires qui n’ont pas de fonctionnement la nuit, une coupure d’activité entre 18h et 8h reporte le lancement de l’antibiogramme, donnant des résultats dans les meilleurs des cas à partir de 48h post-positivité.

Image 1 : Parcours standard de l’hémoculture au laboratoire de bactériologie, CHU Angers


Tests de biologie moléculaire complémentaires à l’ID-AST phénotypique

« Nous réalisons aussi une technique moléculaire, BioFire BCID2 panel qui a un avantage d’être rapide. La manipulation est facile même pour les personnels non-expérimentés sur les techniques de biologie moléculaire. Il faut être toutefois attentif sur les risques de contamination et mettre en place les procédures appropriées et charger la cassette sous PSM.

 Nous y avons recours suite à nos examens directs lorsqu’ils sont douteux et difficiles, comme ceux pour Acinetobacter (un bacille à Gram négatif, qui se présente souvent sous forme coccoide à Gram variable). Mais aussi sur les contextes cliniques connus pour avoir une identification rapide de la bactérie », détaille Hélène Pailhoriès. « Selon notre expérience, le BioFire BCID2 panel nous permet de raccourcir le délai d’adaptation d’antibiothérapie ».

Dr Hélène Pailhoriès


Dr Hélène Pailhoriès a exposé deux cas cliniques pour montrer la valeur médicale de ce test de biologie moléculaire :

Cas clinique 1 :

  • Patient de 76 ans
  • Antécédents :

– sarcoïdose systémique avec atteinte rénale (IRC) et pulmonaire
– BPCO
– troubles thromboemboliques (TVP, EP)
– cancer sein et haut-rectum
– cardiomyopathie avec sténose sévère
– cholecystectomie

Histoire de la maladie :

Le patient se présente chez son médecin traitant pour une aggravation de dyspnée, qui lui prescrit  un amoxicilline (MT).

Sans amélioration de son état, il se présente aux urgences où on réalise une paire d’hémocultures + échographie des voix biliaires sur perturbation du bilan hépatique. Sur un SDRA, il est transféré à la réanimation chirurgicale. Il a un diagnostic du Sepsis avec un probable point de départ biliaire. Dans ce cadre-là, il est mis sous pipéracilline-tazobactam.

Son hémoculture s’est avérée positive au bout de 10 heures d’incubation. L’examen direct réalisé par le laboratoire a mis le service clinique sur la piste d’un bacille Gram négatif. Les médecins ont donc poursuivi le traitement antibiotique initié précédemment avec pipéracilline-tazobactam, auquel ils ont ajouté de la ciprofloxacine. Une heure plus tard, le test BioFire® BCID2 a révélé Escherichia coli CTX-M (producteur de β-lactamases à spectre élargi), ainsi qu’un cocci Gram+ Enterococcus faecium. « Nous n’avons pas vu le Gram+ en Examen Direct », avoue le Dr Pailhoriès, « cela montre la difficulté d’interprétation du Gram dans une situation polymicrobienne où une bactérie est en quantité dominante ». La prescription antibiotique a été adaptée pour  l’imipénème + linézolide. Cette antibiothérapie a permis de contrôler le sepsis et de le stabiliser cliniquement.

Cas clinique 2 :

  • Patiente, 69 ans
  • Antécédents:

-sclérodermie systémique cutanée avec HTAP
– syndrome de Raynaud
– reflux gastro-oesophagien

Histoire de la maladie :

Patiente se présente aux Urgences avec un tableau de Sepsis de point de départ plutôt digestif (ascite, douleurs abdominales et vomissements), sur lequel l’urgentiste lui prescrit des Hémocultures. A son arrivée au service de médecine interne, ses hémocultures se positivent après 13 heures d’incubation. L’examen direct montre un bacille Gram-. Sur la base de ce résultat, le clinicien lui a prescrit un ceftriaxone. Là aussi, les résultats du BioFire BCID2 panel sont transmis dans  un 2ème temps : l’identification du Pseudomonas aeruginosa. La prescription antibiotique a été modifiée pour une combinaison de pipéracilline-tazobactam et de ciprofloxacine.


Le dialogue clinico-biologique pour exploiter le potentiel des tests diagnostiques

Pour la microbiologiste comme pour ses confrères, la qualité de prise en charge des patients septiques ne tient pas uniquement aux tests mis en œuvre. « Un test le plus performant possible, c’est très bien, mais sans dialogue clinico-biologique adapté, ses performances seront limitées », fait-elle remarquer.

Pour soutenir son propos, Dr Hélène Pailhoriès a évoqué une étude menée en 2017 qui analysait l’impact des résultats de la première version du BioFire® BCID sur la prescription d’antibiotique et leur compréhension par les services cliniques. « Si l’antibiothérapie a été ajustée dans 60 % des cas, on peut voir qu’en fonction des services, il y avait entre 52 % et 86 % de réponses correctes en ce qui concernait l’interprétation du test moléculaire.7 »

D’où l’intérêt de placer la prise en charge des patients septiques au cœur des échanges entre les services cliniques – dès les urgences jusqu’aux services aval – et le laboratoire de bactériologie.

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